• Non contente d'avoir surpeuplé et pollué la planète, non contente d'avoir éradiqué près d'une moitié de la faune et de la flore du seul fait de ses activités, l’humanité à un vrai problème… avec elle-même, et notamment avec ses dogmes, ses convictions, comme avec ses rêves d'hégémonies, son prosélytisme chronique et son harcèlement religieux, avec l’idée qu’elle se fait de « Dieu ». Beaucoup de Ses fidèles doivent rire sous cape depuis le temps que l'on a remplacé les arcs et lances par des chars, les frondes par des mines et gourdins par des bombes. Depuis l'apparition de l'homme la haine pour ses congénères n'a eu de cesse d'être attisée de mille façons.

    Peut-on se dire, sereinement, qu’un excès peut en justifier un autre ? Peut-on vivre comme si de rien n'était, alors que tout, aujourd'hui, se sait de ce qui se passe de l'autre côté de la planète ? On dirait (presque) que oui. Il apparaît que nous oublions volontiers la sagesse du proverbe : « Qui sème le vent… » Certains caricaturistes ayant connu des précédents, je me demande si au nom de la liberté d'expression il est nécessaire, impératif, vital d’ajouter en permanence de l’huile sur le feu, sachant ce que cette huile peut nous coûter comme douleur lorsqu'on nous la projette à la face, par réaction ?

    Où en est l'intérêt vital, où est-elle, cette fameuse liberté (d'abord, de quoi sommes-nous réellement libres, mis à part le fait que nous pouvons choisir de nous entretuer les uns les autres ?). Cette « liberté » porte très mal son nom dès lors qu'elle conduit au trépas, endeuille des familles pour longtemps et risque de faire tourner encore plus vite le cercle vicieux de la vengeance. Où est-elle cette liberté, dont fait un si mauvais usage une bonne partie des humains, lorsque pour ne pas « froisser » des susceptibilités, on supprime l'étalage public des sapins de Noël, qu'on modifie la dénomination de certaines rues sous prétexte qu'il est fait mention de tel ou tel saint, que l'on va jusqu'à user de termes politiquement hypocrites destinés à modifier celui des fêtes religieuses catholiques ? Faudra-t-il en venir à supprimer les croix au sommet de nos clochers ? Vendre sous le manteau nos calendriers non expurgés ? Faudra-t-il débusquer des budgets pour condescendre « démocratiquement » à construire autant d'édifices, de temples, de mosquées qu'il y a d'églises et de cultes en Europe ? Et puis ? On en imagine même pas le dixième sous d'autres contrées !


    La liberté doit-elle se nourrir d’un quota de concessions ridicules, injustes, afin de calmer les frustrations dont les accueillant ne sont certainement pas les premiers responsables ? Depuis quand nous permettons-nous de mettre les pieds sur la table, d'édicter nos quatre volontés lorsque nous sommes invités chez autrui ?


    De toute évidence, le monde subira encore – sinon toujours – les effets d'un sérieux, disons plutôt d'un dramatique problème avec des religions qui demeurent figées dans leurs préceptes et interprétations, dont bon nombre ne devraient plus avoir cours aujourd’hui ne fut-ce que pour apaiser (il serait temps!) des tensions millénaires. J’ignore d’où et de qui naîtra une solution, pour autant qu’il en existe une. Pour ma part, je pense qu’elle ne viendra pas des adeptes d'une de ces religions qui condamne mollement, très discrètement, les exigences, les excès de certains cultes qui usent largement de ce que les lois actuelles permettent, en France, en Belgique et ailleurs. Faudra-t-il persister à narguer les fanatiques, fut-ce au prix de nombreuses vies ? Peut-on dans ce cas parler de « liberté victorieuse » ? Faut-il obligatoirement passer par la provocation pour se faire entendre, pour se convaincre d’être « libre »… quitte à en mourir, alors que le but premier consiste tout de même à profiter de cette liberté le plus longtemps possible et de la meilleure des manières ?

    Par exemple, que nous apporte vraiment la liberté d'expression dans le cas de Charlie Hebdo ? Le sentiment de pouvoir dire ce que nous pensons à des personnes qui, soit s’en moquent, soit s’en offusquent. Ce genre de liberté ne fait que heurter de plein front les pires obscurantismes qui, outragés, ne démordent pas de leur bon droit à la vengeance. Choc des cultures, choc des mentalités, choc des libertés, réelles ou factices. Ne pouvons-nous pas trouver d’autres moyens d’exprimer nos points de vue, nos idées, et défendre celles-ci de manière moins provocatrice, moins mortelle ?


    Je cherche à comprendre, humblement, sincèrement, pacifiquement. Dans un monde, dans une Europe où l'argent, les armes, une fausse démocratie et les dogmes prennent toute la place, comment ne pas être dégoûté au spectacle d'un royal pantin qui, au nom de son belge pays, au nom d'une diplomatie non moins grand-guignolesque, s'en va verser un royal pleur sur l'épaule de ses potes musulmans ? Sommes-nous au bout du ridicule, du mensonge ou de nos drames ? Certainement pas. Aussi, j'apprécie bien plus la franchise du comédien Alexandre Astier, lorsqu'il dit, au cours d'un entretien, quelque chose du genre : « On devrait nous lâcher un peu, avec les religions. » Vrai, elles sont effectivement trop présentes là où elles ne sont pas souhaitables, autrement dit et avant tout dans la sphère publique. Si des cerveaux désirent vivre sous leurs entière emprise, cela doit rester leur problème d'ordre strictement personnel.

    Donc, j'adhère nettement moins au propos ambigu de Monsieur Tariq Ramadan, fin lettré en matière de culture islamique, lorsqu'il nous dit (textuellement) que : c'est à la modernité d'être islamisée et non l'islam qui doit être modernisé. Discours qui laisse augurer combien nous pouvons nous attendre – avec ou sans moratoire (!), à ce que que les tensions religieuses ne fassent que s'exacerber encore et toujours plus un peu partout. Dans cette sombre perspective, la liberté d'expression ne nous sera pas d'un grand secours. Désormais, la Belgique, à l'instar d'aucun pays du monde n'est à l'abri des fanatiques dominés par leur cerveau reptilien antédiluvien… qui font énormément d'émules grâce aux bienfaits d'une prétendue démocratie qui ne ressemble qu'à une vilaine farce.

    Quant aux valeurs échangées en coulisses entre rois, diplomates et autres gouvernants, à l'abri des oreilles du peuple, on se doute bien qu'elles ne doivent pas avoir grand-chose à voir avec une quelconque philosophie morale qui ferait l'éloge d'une tolérance réciproque, bien comprise, bien vécue une fois pour toutes. Hélas, nous sommes gouvernés par des déments, des malades, des corrompus. Qu'ils soient médaillés, bénis, encensés, couronnés, sanguinaires, haïs, borgnes ou anthropophages et dûment hissés au pouvoir n'est que le résultat de l'aveuglement des peuples à ne pas voir plus loin que le bout de leurs élections, de leurs vaines révolutions ou de leurs soumissions.

     

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